"Les Groseilles de Novembre" de l'écrivain estonien Andrus Kivirähk. C'est un voyage dans le temps que nous offre ce roman historique teinté par le fantastique. Kivirähk nous invite à passer tout un mois de Novembre à vivre le quotidien d'une petite ville estonienne du Moyen-Âge où se passent des choses bien étranges. Nous rencontrons les "kratts" (de curieuses créatures bien utiles fabriquées de toutes pièces avec des objets du quotidien animées grâce à un pacte passé avec le diable), un petit démon bien décidé à travailler pour l'église du coin ou encore une femme qui n'est autre que la peste en personne ! Nous plongeons donc dans le quotiden d'une petite ville comme toutes les autres (à quelques exceptions près).
Dès le début, l'auteur joue avec le lecteur en alternant le récit des journées entre un amour impossible, les conflits de voisinage et les conflits avec la bourgeoisie locale. Ce livre met à l'honneur les croyances et mythes et le folklore médiéval estonien qui se matérialise concrètement sous les yeux des habitants de cette petite ville tantôt médusés, tantôt exaspérés. L'auteur de "L'Homme qui savait la langue des serpents", use de son humour moqueur à longueur de pages et ce n'est pas pour nous déplaire, bien au contraire.
Une fois ouvert il est difficile de refermer "les Groseilles de Novembre". Un petit conseil, faites le durer aussi longtemps que possible. Ce roman se lit avec un petit sourire en coin du début à la fin avec quelques petites surprises qui émerveillent parfois mais étonnent toujours.
L'ambiance douce-amer vous entoure au point que vous pourriez voir surgir les "kratts" de ce livre aussi fou que touchant. Une superbe lecture qu'il ne faut pas hésiter à poursuivre avec l'excellent, l'épique récit "L'Homme qui savait la langue des serpents".
Ces deux romans sont au service d'un temps dont les croyances furent effacées par le monothéisme qui arriva plus tardivement en Europe de l'est, dans les pays baltes plus particulièrement (vous pouvez approfondir ce sujet avec "Les derniers païens : Les baltes face aux chrétiens XIIIe-XVIIIe siècle" de Sylvain Gouguenheim aux éditions Passés Composés).

"Les Graciées" de Kiran Milwood Hargrave aux éditions Robert Laffont collection Pavillons. Le premier roman de cette poétesse britannique nous plonge dans la Norvège du XVIIème siècle en proie à la puissance d'une Nature implacable, tout comme à celle de l'Eglise qui envoie ses sbires dans toute l'Europe. Et c'est cette violence qui inspira Kiran Millwood Hargrave puisqu'elle fut marquée par le mémorial de Steilneset réalisé par l'artiste Louise Bourgeois et l'architecte Peter Zumthor en 2011. Ce monument fut érigé afin de rendre hommage aux 91 victimes qui furent exécutées pour sorcellerie suite aux procès de sorcières de Vardo. (XVIIème siècle).
Revenons en au roman. C'est avant tout une histoire de Femmes puissantes dans la Norvège du XVIIème siècle. C'est l'histoire d'une société dont les codes sont bouleversés par une Nature hostile et surpuissante qui annonce la couleur dès les premières pages du roman. Les maris, fils et pères, happés par la puissance de l'océan, laissent les femmes de Vardo, petite île au nord de la Norvège, seules maîtresses à bord. S'engage alors un huit-clos formidablement bien ficellé qui monte en pression au fur et à mesure que les personnages se livrent et se dévoilent. La tension monte car le leadership reste disputé entre les femmes fortes. Et c'est toute l'intrigue de ce premier acte : qui pour succéder au patriarcat?
Loin de là, en Ecosse, Absalom Cornet et Ursa sont liés aux yeux de Dieu. Le premier est homme d'Eglise. Ce cruel brûleur de sorcière, dont la réputation n'est plus à faire, est missionné pour enquêter sur l'île de Vardo dont les hommes ont mystérieusement disparu. La seconde, son épouse Ursa, est d'origine norvégienne. Mais pourquoi s'est-elle éloignée d'une famille aimante pour prendre cet homme pour époux ?
Arrive alors la seconde partie où nous retrouvons Absalom et Ursa prêt à débarquer sur l'île de Vardo. Car, le diable semble rôder sur cette île que les femmes gouvernent ! La cohabitation ne dure pas paisiblement très longtemps et, très vite, les tensions arrivent à leur paroxisme.
Ce roman tiré d'une histoire vraie, transporte. C'est un plaisir de lecture à découvrir absolument car il est rare de marier histoire et fiction avec autant de justesse dans l'écriture. Car souvent on se perd. C'est (personnellement) mon cas avec les grandes fresques historiques de Ken Follett (par exemple) qu'on réouvre difficilement une fois les trois-quarts du roman avalés. Dans tous les cas, ce n'est pas le cas ici. Tout est parfait et, étrangement, une légerté se dégage de ce roman qui dessine les paysages du grand nord norvégien frappés par les vents et tempêtes. Les personnages sont creusés et que dire de l'atmosphère tout simplement exquise. Ouvrir ce livre c'est entrer dans une bulle imperméable aux frontières infinies, infranchissables. Ouvrir ce livre c'est se couvrir d'un voile d'hiver pour plonger en Novège au plus près du cercle polaire. Ouvrir ce livre c'est pénétrer ce monde de l'étrange, un monde où l'Homme d'alors, terrifié, usait de toute sa cruauté pour affronter ce qu'il nomait aveuglement "impie" ou "diable". Grand coup de coeur pour ce roman sublime.

"Widjigo" d'Estelle Faye chez Albin Michel. Un roman de survie au XVIIIème siècle. Tout commence en 1793 lorsque Jean Verdier (lieutenant de la toute nouvelle République française) est envoyé pour capturer un noble, Justinien de Salers, réfugié en Bretagne, retranché derrière les murs d'une forteresse abandonnée, frappée par les eaux. Une fois face à face, le vieux noble propose un marché au lieutenant. Il les suivra si et seulement si il écoute son récit. Le roman commence.
Un naufrage sur l'île de Terre Neuve (une île de l'ouest canadien) en 1743. Une petite troupe de survivants, dont notre noble, qui va devoir survivre dans cet environement inconnu, hostile. Quelque chose rôde dans la nuit, quelque chose enlève les naufragés un par un, quelque chose assassine les naufragés un par un. S'engage alors une véritable course contre la montre pour notre noble et ses compagnons qui se regardent de plus en plus en chien de faïence. Qui est ce rôdeur ? Qui survivra ? Autant de questions et autant de réponses apportées par la plume d'Estelle Faye qui brille de simplicité.

"Klara et le Soleil" de l'écrivain britannique d'origine japonaise Kazuo Ishiguro (prix nobel de littérature).
Un roman subtil que nous livre l'auteur. Il y explore la complexité du genre humain par la voix de sa narratrice Klara, l'Amie Artificielle (AA).
La première partie est conssacrée à Klara. Derrière sa vitrine d'exposition, elle voit le monde. Elle l'étudie, tente de le comprendre pour espérer devenir l'AA parfaite. Car, même si elle n'est pas l'AA dernier cri quelqu'un voudra certainement d'elle. Ensuite, comme surgit d'un rêve, la petite fille apparaît. Le conte de fée peut commencer. Mais devenir l'AA parfaite, cela a un prix...

"Les Maîtres enlumineurs" tome 1 et 2 de Robert Jakson Bennett.
Superbe saga fantastique steam punk : un coup de coeur pour ce monde créé de toutes pièces que notre esprit arrive à visualiser grâce à une plume efficace. Deux tomes qui se suivent à merveille et qui présentent un personnage principal féminin solide, puissant face aux enjeux d'un monde extraordinaire. C'est chez Albin Michel Imaginaire. Extraits en cliquant sur les couvertures.

"La Cité des marges" de William Boyle chez Gallmeister.
Une comédie noire de William Boyle qui nous embarque avec talent au sein de la communauté italienne d'un quartier de Brooklyn dans les années 90.

"Le Fracas et le silence" de Cory Anderson.
Une ambiance glaciale pour ce thriller bouleversant. Un nouveau coup de coeur.
